Réaliser une prise de parole en public dans un pays ou dans un environnement multiculturel, devant un auditoire de langue ou de culture différente est toujours un défi. Nombreux sont les managers partis à l’étranger négocier un contrat, présenter de nouvelles orientations stratégiques, établir un nouveau contact et rentrés désappointés car rendus à l’évidence : communiquer à l’international n’est pas chose aisée et même souvent, un exercice de haute voltige qui demande d’être sérieusement préparé.
Alors qu’il a souvent été dit que la seule maîtrise du globish – anglais approximatif mais compréhensif de tous – était indispensable, être capable d’internationaliser sa communication, lui donner une véritable dimension interculturelle (on parle également de cross-cultural communication) et développer ses compétences en la matière est aujourd’hui un impératif.
Communiquer VS Communiquer dans un contexte multiculturel
Bo Shan, de la Wuhan University, la définit comme « l’interaction de l’homme dans le contexte de cultures différentes »[1] ou encore, en s’appuyant sur le concept « d’étranger » développé par Georg Simmel, comme « la relation de l’individu avec l’étranger ». Pour le dire autrement, c’est émettre un message à destination d’un récepteur aux habitudes, coutumes et réglages culturels différents.
Or être un bon orateur, incarner son message et retenir l’attention de son public durant toute la durée d’une présentation ne sont pas les seules qualités nécessaires à une prise de parole en public devant des interlocuteurs étrangers. Il y en effet une grande différence entre communiquer chez soi, dans un environnement familier, et devant un auditoire qui comprend aussi bien la langue que le non-dit et prendre la parole dans un building à New-York, dans une salle de réunion ou un comité de direction cosmopolite.
D’ailleurs, les hommes politiques, rompus à l’art oratoire et maîtrisant les codes de la diplomatie, s’illustrent régulièrement par leurs bourdes et maladresses en déplacement. On se souvient par exemple du fiasco de la visite de Justin Trudeau en Inde au début de l’année 2018 : alors qu’il avait tout mis en œuvre pour, de son point de vue, honorer la culture et la coutume indienne, il avait au contraire multiplié les impairs et avait été raillé pour sa « diplomatie de la mode »[2].
Plus simplement, Donald Trump est, pour la plupart des occidentaux – anglophones compris – inaudible du fait de sa prosodie et de son accent très marqués. Il ne s’agit que de deux exemples mais qui montrent les enjeux de la maîtrise d’une communication multiculturelle.
La communication interculturelle : de l’importance de se comprendre
Quels sont alors les éléments constitutifs d’une communication interculturelle ? Stella Ting-Tomey, spécialiste en la matière, donne quatre éléments pour la définir : il s’agit « de deux personnes (ou deux groupes), de cultures différentes, en interaction et négociant un signifié commun »[3]. Cette dernière dimension souligne l’importance de se comprendre au-delà de la signification linguistique.
Natalie Lutz, spécialiste de la Communication Multiculturelle et formatrice chez Personnalité, utilise ainsi une métaphore, celle de l’iceberg, pour montrer que, lors d’une situation de communication, la culture que l’on a incorporée détermine la façon dont on transmet des messages et dont on les perçoit. On ne perçoit que la « face émergée de l’iceberg », alors qu’il existe toute une face immergée marquée de notre propre éduction, de nos stéréotypes et de nos normes sociales. Ainsi, notre parole est marquée de nos valeurs culturelles, mais c’est également au filtre de celles-ci que nous évaluons les actions d’autrui, et notamment de l’étranger (aux valeurs bien différentes).
Ainsi, ces variables conditionnent notre façon d’habiter le monde, de le comprendre et structurent nos styles de communication. Natalie Lutz explique lors de ses séances de coaching que certaines cultures sont plus « explicites », c’est le cas par exemple des Pays-Bas, des Etats-Unis ou de la France ; tandis que d’autres sont plus « implicites », comme le Japon. De même, certaines sont davantage dans une culture de la relation, c’est le cas des Etats-Unis ; tandis que d’autres privilégient le travail et la tâche accomplie. Selon le public, il ne s’agit pas de se déformer mais plutôt d’effectuer un réglage de sa propre communication pour être sûr d’envoyer un message qui sera correctement interprété, selon les compétences culturelles et communicationnelles de son interlocuteur.
Comment développer son style de communication et que faire quand on part communiquer à l’étranger ?
Il n’y a donc pas de bon ou de mauvais style de communication, mais plutôt une bonne façon d’entrer en communication. Celle-ci commence par prendre conscience de sa propre culture et de la façon dont elle affecte la manière dont on communique : évaluer son style et la façon dont on fait passer un message est donc la première étape, immédiatement suivie de la seconde, qui est l’identification du style de son interlocuteur et de son public, évidemment.
Travailler ensuite sa communication non verbale est indispensable. Déjà capital dans une situation de communication « classique », cet effort doit être redoublé dans le cadre d’une communication interculturelle : entre 65 et 90% de la communication passe en effet par ce mode – souvent involontaire –, qui inclut les mouvements du corps, le contact visuel, les silences, la scansion… Etre conscient que la majorité du sens du message passe par ce mode est déjà une bonne chose, observer sans juger celle des autres pour essayer consciemment d’adapter la sienne est encore mieux !
Enfin, mettre en place des feed-backs permettra de s’assurer que l’on est bien en phase avec son interlocuteur. S’assurer, régulièrement, de la bonne compréhension par tous permettra, en situation de communication et de prise de parole en public par exemple, que l’on n’a vexé, choqué, ou, plus simplement, perdu personne en route !
[1] Bo Shan, « La communication interculturelle : ses fondements, les obstacles à son développement », Communication et organisation [En ligne], 24 | 2004, mis en ligne le 27 mars 2012, consulté le 07 juin 2018. https://journals.openedition.org/communicationorganisation/2928
[2] « En Inde, Justin Trudeau raillé pour sa ‘diplomatie de la mode’ », Le Monde, publié le 23 février 2018, consulté le 07 juin 2018.
https://www.lemonde.fr/big-browser/article/2018/02/23/en-inde-justin-trudeau-raille-pour-sa-diplomatie-de-la-mode_5261177_4832693.html
[3] Tnig-Toomey Stella. Communicating across cultures. New York; London: The Guilford Press, 1999. series).